Méduse de Martine Desjardins : Une plongée dans la monstruosité féminine et l'émancipation

 

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J'ai récemment terminé Méduse de Martine Desjardins, et cette lecture m'a profondément marquée. Ce roman, publié initialement en 2020 au Québec et réédité en France en 2023, est une œuvre littéraire aussi fascinante que dérangeante. À travers cette réécriture du mythe antique, Desjardins nous livre une réflexion puissante sur la marginalisation féminine, la honte du corps et la quête d’émancipation.


Une réécriture percutante du mythe de Méduse

Je dois avouer que je ne connaissais pas bien le mythe de Méduse avant de lire ce livre, mais la manière dont l'autrice s'en empare m'a captivée. Méduse n'est plus simplement un monstre à la chevelure de serpents, capable de pétrifier d’un regard. Ici, elle devient une figure complexe, confrontée aux normes de beauté et de conformité. Internée dans un institut pour jeunes filles « malformées », elle subit humiliations et abus tout en découvrant peu à peu que sa différence peut aussi être une force.


Une critique du patriarcat et des normes sociales

Ce qui m'a particulièrement touchée, c’est la critique fine et acerbe des injonctions faites aux femmes. À travers Méduse, Desjardins nous invite à réfléchir aux pressions esthétiques qui pèsent sur nous, aux attentes de conformité, et à ce que cela coûte de ne pas s’y plier. La figure de la mère, qui perpétue les normes patriarcales, est également marquante et interroge le rôle des femmes dans la reproduction de ces systèmes d'oppression.


Depuis l’enfance, la honte m’avait tenu lieu de conscience. Elle avait exercé un contrôle sur ma vie, ordonné mes choix, présidé à mes décisions. Cette constriction de mon libre arbitre, cette pulvérisation de mon amour-propre, cette détestation virulente de mon être ne m’avaient pas seulement éborgnée, énucléée, aveuglée : elles m’avaient coupé les ailes, lié les mains, scié les jambes. La honte me pétrifiait parce que j’en étais pétrie.

 

L'émancipation par la connaissance

Ce qui m'a plu, c’est la manière dont le livre montre que l’émancipation peut passer par la connaissance. La bibliothèque devient pour Méduse un lieu de liberté et de découverte, une échappatoire aux violences subies. J’ai trouvé ce lien entre le savoir et la révolte particulièrement inspirant.


Une lecture dérangeante mais nécessaire

J’ai été à la fois fascinée et dérangée par cette histoire. Certains passages m'ont mise mal à l'aise, notamment les jeux pervers imposés aux jeunes filles, qui reflètent bien l’absurdité cruelle de l’institut. Pourtant, la plume majestueuse de Martine Desjardins rend la lecture envoûtante. J'ai dévoré chaque mot, emportée par cette prose dense et poétique.


Une réflexion sur l’acceptation de soi

En tant que femme, je me suis forcément reconnue dans cette quête d’identité et cette lutte contre la honte que la société nous inculque. Méduse est un roman qui prend aux tripes et qui incite à repenser notre rapport à la différence et à la monstruosité. C’est un texte fort, qui invite à se réapproprier ce qui fait de nous des êtres à part, même si cela signifie s’écarter des normes.

Un livre que je recommande à toutes celles et ceux qui cherchent une lecture aussi intense que bouleversante.


Pour aller plus loin : des lectures recommandées

  • Circé de Madeline Miller

  • Les monstrueuses  de Maud Mayeras

  • La femme qui fuit de Anaïs Barbeau-Lavalette 

  • Kink Kong Théorie de Virginie Despentes

  • Monstres de Sharon Dogar

  • Les impatientes de Djaïli Amadou Amal




  • Autrice : Martine Desjardin
  • Editeur : L'Atalante / Collection : Sf et Fantastique
  • Paru le 17 août 2023 / 208 pages

4 commentaires

  1. J'avais beaucoup aimé Maleficium et L'alliance de sel, de cette auteure, qui a vraiment un univers très original. J'ai en revanche beaucoup moins accroché à la chute de la maison Delorme, à mon avis un peu "léger".. je note ce titre, en tous cas.

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    1. Je lirai d'autres livres d'elle. Elle est d'une telle originalité et j'aime être un peu bousculée.

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  2. Une lecture qui questionne ce mythe, je suis preneuse.

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    1. Disons qu'elle s'empare de ces réferences pour questionner.

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