Voyage au cœur du Musée d’Orsay avec Chabouté

 

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Il y a des lectures qui ressemblent à une déambulation. Ouvrir Musée de Christophe Chabouté, c’est franchir les portes du musée d’Orsay, mais en inversant le regard : ce ne sont plus les visiteurs qui observent les œuvres, ce sont les œuvres elles-mêmes qui nous contemplent, nous jugent, nous taquinent et parfois s’émeuvent.


Cela faisait longtemps que je n’avais pas ouvert un roman graphique de Chabouté. Je connaissais ses récits graves et solitaires – Un peu de bois et d’acier, où un simple banc devient le témoin silencieux de vies qui passent, ou Tout seul, plongée mélancolique dans l’isolement et l’attente. Ici, j’ai été agréablement surprise par le registre : beaucoup d’humour, une réelle tendresse, et une jubilation communicative. Les tableaux, sculptures et installations ne sont plus figés : ils bavardent, s’étonnent, se chamaillent, s’indignent des comportements des spectateurs. En somme, ils vivent.


Le procédé du renversement de perspective n’est pas nouveau en littérature graphique, mais Chabouté en tire une force singulière. Il transforme le musée en un théâtre miniature où se nouent des histoires parallèles : celles des visiteurs, prises dans le flux de leurs émotions, et celles des œuvres, témoins bavards d’une humanité parfois attendrissante, parfois ridicule.


En lisant Musée, je n’ai pu m’empêcher de penser à d’autres bandes dessinées qui ont fait du musée un décor vivant. Par exemple, Les Gardiens du Louvre de Jirô Taniguchi, qui offre une balade contemplative, presque spirituelle, dans les couloirs du plus célèbre musée parisien. Ou encore Le chien qui louche d'Etienne Davodeau.de Florent Chavouet, carnet de croquis décalé et humoristique où le dessinateur s’amuse à saisir les attitudes des visiteurs plus que les œuvres elles-mêmes. Chez Taniguchi, la visite est méditative ;  chez Chabouté, elle devient dialogue inversé : ce ne sont pas les humains qui parlent des œuvres, mais les œuvres qui parlent des humains.


Ce contraste est d’autant plus frappant quand on connaît la trajectoire de Chabouté. Ses précédents livres m’avaient laissée avec une impression de silence, de solitude, d’introspection, un monde où l’on observe longuement avant d’agir. Musée, au contraire, bruisse de voix, de dialogues, de comédie. L’artiste y révèle une facette plus légère, presque jubilatoire, sans perdre son trait sensible et expressif.


Le dessin, lui, magnifie l’architecture du musée d’Orsay : les verrières, les horloges monumentales, la perspective majestueuse des galeries. L’édifice devient presque un personnage à part entière. Et paradoxalement, ce lieu que je n’ai jamais classé parmi mes musées préférés me donne ici envie d’y retourner, de me perdre dans ses couloirs, de m’asseoir devant un tableau et d’imaginer ce qu’il pense de moi.


Mais pourquoi il nous arrive tout ça ?

Arrive quoi ?

Ben, bouger, marcher, parler, ...

On n'en sait strictement rien.

Et on ne se pose même pas la question ... En fait, on s'en fiche ... royalement

Est-ce si important de savoir pourquoi ?

On en profite, on savoure.

On vit.



Lire Musée, c’est voyager sans quitter son fauteuil. C’est traverser Paris autrement, c’est rêver devant les toiles comme on rêve devant une fenêtre ouverte. C’est aussi une invitation à revoir notre rapport à l’art : et si, pour une fois, nous nous laissions regarder par ce que nous croyons contempler ?


Alors, que vous soyez amateur de bandes dessinées sur l’art, curieux de musées, ou simplement en quête d’un récit qui donne le sourire, ce roman graphique est une escale précieuse. Comme souvent avec Chabouté, on en ressort différent mais cette fois avec la sensation d’avoir partagé un moment d’humanité joyeuse.



  • Auteur : Chabouté
  • Paru le 19 avril 2023 / 192 pages
  • Editeur : Vents d'Ouest

3 commentaires

  1. ça fait longtemps moi aussi que je n'ai pas ouvert un album de Chabouté. Pourtant, j'aime beaucoup son oeuvre. Tu me donnes envie de me procurer cette BD

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  2. J'avais beaucoup aimé Le chien qui louche. Je me laisserai bien tenter par cet album.

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  3. Oh oui, quel bonheur que cette BD !! Une des meilleures d'un auteur que j'aime beaucoup.

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