D'autres vies que la mienne ... et la mienne qui décroche

 

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Je viens de refermer D’autres vies que la mienne d’Emmanuel Carrère, et j’en ressors avec un sentiment ambivalent. Ce n’est pas un mauvais livre, loin de là. Carrère écrit avec une lucidité remarquable, une finesse d’observation qui force le respect. Il parvient à raconter l’insoutenable sans jamais tomber dans le pathos, ce qui est en soi une prouesse. Mais malgré cette qualité d’écriture, je n’ai pas aimé cette lecture. Ou plutôt : je n’étais pas en état de la recevoir.


Le livre est dur. Très dur. On y croise la mort d’une jeune mère de famille, le cancer, le surendettement, le tsunami au Sri Lanka… Tout cela raconté avec une précision clinique, parfois glaçante, mais toujours humaine. Carrère s’y met aussi en scène, comme souvent, avec cette manière très directe qu’il a de se livrer. Or, c’est peut-être cette part-là qui m’a dérangée. Non pas par manque d’intérêt – son introspection est honnête, complexe, souvent pertinente  mais parce qu’elle m’a semblée froide, distante, presque déplacée dans un tel contexte. J’avais parfois l’impression qu’il occupait un espace qui ne lui appartenait pas totalement, et qu’il se tenait un peu trop au centre d’histoires qui méritaient peut-être davantage de silence que de mise en récit.


Mais au fond, ce n’est sans doute pas le livre le problème. C’est le moment. Ce que j’attendais, ce dont j’avais besoin, n’était pas cette plongée dans les drames du réel, aussi digne soit-elle. J’étais en quête d’un ailleurs, d’un souffle d’air, d’un texte capable de me faire penser autrement, de m’émouvoir sans m’alourdir. Or, là, j’avais juste envie de fuir : fuir les dettes, la maladie, les catastrophes naturelles. Il y a plus léger, plus dépaysant, plus joyeux comme lecture même tout en restant intelligent et réflexif. Ce n’était pas le bon livre pour maintenant.


Cela n’enlève rien à la force de D’autres vies que la mienne. Mais parfois, certaines lectures arrivent au mauvais moment. Elles ne trouvent pas leur place. Elles réveillent ce qu’on essaie justement de tenir à distance. Peut-être que je le relirai un jour. Peut-être pas. Mais je sais une chose : aujourd’hui, j’avais besoin d’autre chose.



  • Auteur : Emmanuel Carrère  
  • Paru le 9 mars 2017 / 352 pages
  • Editeur : Gallimard / Collection : Folio 

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