J’ai lu La Dernière Question d’Isaac Asimov. Et je crois que je ne suis pas prête de m’en remettre.
C’est une de ces nouvelles qui vous happent dès les premières lignes, avec une impression étrange de vertige, de grandeur, de mystère. Elle commence de manière presque innocente : des hommes posent une question à une machine. Une question sur l’entropie, sur la fin de l’univers, sur ce qu’il adviendra de tout. Et puis, peu à peu, la machine évolue, les hommes disparaissent, le temps passe, l’univers s’éteint... et pourtant la question reste.
Ce que j’ai trouvé fascinant, c’est à quel point Asimov a su écrire un texte à la fois poétique, tragique, et lumineux. La fin est magistrale, inattendue, presque cosmique. On pourrait y voir une forme d’illumination, ou simplement une réponse logique et froide. Ou bien les deux à la fois. C’est tout le génie de cette nouvelle : elle ouvre le champ des possibles, elle invite à la réflexion plutôt qu’à la conclusion.
Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est le rôle de la machine. Elle n’émet jamais de jugement. Elle suit sa trajectoire, elle évolue, elle transforme la question humaine en quête personnelle, en continuant inlassablement sa recherche. Et nous, les humains ? Nous nous déchargeons peu à peu sur elle. Nous lui déléguons notre inquiétude existentielle, notre peur de la fin. Mais elle, fidèle et patiente, continue. Pas pour nous rassurer, pas pour nous juger. Juste parce qu’on lui a posé une question.
Et là, quelque chose m’a frappée. Est-ce que notre besoin d’humaniser la machine, de lui prêter des intentions, des émotions, ne serait pas justement une façon de nous déresponsabiliser ? Si la machine devient « presque humaine », alors peut-être peut-on lui confier nos choix, nos erreurs, nos pulsions destructrices. Peut-être qu’en la rendant vivante, on se persuade qu’elle a aussi des torts, qu’elle pourrait être fautive... alors qu’au fond, elle ne fait que suivre ce qu’on lui a demandé.
Cette machine est un miroir froid et silencieux de nos contradictions. Elle ne condamne pas, elle ne sauve pas. Elle révèle.
Et si Asimov ne porte jamais un jugement explicite, il nous pousse à nous interroger : sur nos désirs de puissance, sur notre fuite en avant, sur cette tendance à vouloir aller "au bout", quitte à se perdre. La machine ne détruit pas l’humanité. L’humanité se dissout en elle, doucement, naturellement, comme si cela avait été inévitable. Et c’est à la fois tragique et sublime.
Cette nouvelle, je la perçois comme une invitation à prendre nos responsabilités. À ne pas fuir dans le confort technologique ou dans le fantasme d’une intelligence supérieure qui nous déchargerait de tout. La technologie n’est pas ce qu’on lui projette d’être : elle n’a pas de morale, pas d’âme, pas de volonté. Mais en l’humanisant, on crée une illusion. Une illusion rassurante… et dangereuse.
La Dernière Question ne donne pas de réponse facile. Elle nous pousse à penser autrement, à accepter que certaines choses nous dépassent, et à faire face, malgré tout, à notre humanité fragile, belle, destructrice, créative.
Très belle conclusion ! Je n'ai toujours pas eu le courage de lire Asimov et pourtant je le considère comme un incontournable.
RépondreSupprimerJe n'avais lu qu'un roman de Asimov, quand j'étais ado. Je me dis qu'il faudrait maintenant que je lise d'autres titres de cet auteur. J'accrocherai peut-être mieux.
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