La cuisine des ogres — Une lecture qui dérange et fascine

 

Je viens de terminer La cuisine des ogres, un livre signé Fabien Vehlmann (au scénario) et Jean-Baptiste Andreae (à l’illustration), et j’ai encore un drôle de goût en bouche. Ce n’est pas une lecture qu’on digère facilement — et c’est tant mieux.

Le titre peut faire penser à un conte sombre, mais on est bien au-delà : ce recueil regroupe trois histoires cruelles, puissantes, presque suffocantes, chacune mettant en scène un ogre — au sens propre comme au figuré. Ce sont des récits qui bousculent, qui jouent avec les peurs d’enfance, les rapports de domination, la monstruosité humaine. Et en même temps, ils sont d’une justesse glaçante, brillamment écrits et superbement illustrés.

J’ai été frappée par la richesse visuelle : les dessins sont tout sauf anodins. Ils donnent corps à l’horreur avec élégance, sans jamais tomber dans le gore gratuit. C’est sombre, parfois presque onirique, et en même temps d’une cruauté réaliste. On sent que chaque image a été pensée pour renforcer le malaise, pour prolonger l’histoire au-delà des mots.

Ce que j’ai trouvé vraiment fort, c’est l’équilibre entre le fond et la forme. Le texte est incisif, intelligent, parfois poétique dans sa cruauté, et il laisse une grande place à l’interprétation. Il y a une vraie profondeur derrière ces fables tordues, une manière de parler de notre monde à travers des monstres… 

Ce n’est pas une lecture que je recommanderais à tout le monde — il faut être prêt à être mal à l’aise, à se poser des questions, à affronter le malaise. Mais si on accepte de se laisser entraîner, La cuisine des ogres devient une expérience marquante, presque viscérale.

Bref, une œuvre aussi troublante qu’esthétique, qui donne à réfléchir autant qu’elle bouleverse.

• Auteur : Fabien Vehlmann / Illustrateur : Jean-Baptiste Andreae
• Editeur : Rue de Sevres / Collection : BD Tout Public
• Paru le 13 mars 2024 / 84 pages