J’ai enfin lu Des souris et des hommes de John Steinbeck, ce classique que je m’étais promis de découvrir cette année. Ce fut une claque. Une de celles qui laissent un écho longtemps après la dernière page. Je ne m’attendais pas à ce que ce court roman me touche autant, me renverse même. Il m’a bouleversée par sa justesse, sa brutalité, et surtout, par son humanité fracassée.
Dès les premières pages, j’ai été happée par l’écriture fluide et précise de Steinbeck. L’ambiance est là, les décors sont posés avec une telle simplicité qu’ils deviennent palpables. Mais ce sont les personnages, surtout, qui m’ont profondément marquée. George et Lenny. Deux figures inoubliables. Deux amis dans un monde rude, inhumain, qui ne laisse de place ni à la fragilité ni à la douceur.
Lenny m’a touchée d’une manière particulière. Dans sa candeur, dans sa force qu’il ne maîtrise pas, dans cette manière qu’il a d’aimer maladroitement, avec une innocence presque enfantine. Il est évident dès le début que sa différence va provoquer le drame. Pas parce qu’il est mauvais, au contraire. Mais parce que les autres ne peuvent pas – ou ne veulent pas – comprendre. Parce que dans ce monde, l’innocence fait peur. Elle dérange. Elle n’a pas sa place.
George, lui, est profondément humain. C’est un homme simple, mais digne. Il veille sur Lenny avec une tendresse rude, pudique, comme on n’en voit pas souvent dans la littérature masculine de l’époque. Il aurait pu l’abandonner, s’en débarrasser, mais il l’aime, au fond. Et c’est justement cet amour qui rend la fin si insoutenable.
Cette scène finale… elle m’a brisée. J’en avais deviné les contours, mais l’émotion m’a surprise malgré tout. Voir Lenny, paisible, perdu dans son rêve de lapins, d’un petit lopin de terre, pendant que George se prépare à lui ôter la vie… c’est d’une violence infinie. Et pourtant, c’est fait avec douceur. C’est un geste d’amour, mais un amour qui tue. Et c’est là que réside toute l’ambiguïté bouleversante du roman.
Autour d’eux, le racisme, le sexisme, la solitude se tissent en toile de fond. Chaque personnage est à la marge : Candy, le vieux travailleur estropié, Crooks, l’homme noir rejeté, la femme de Curley, réduite à un rôle d’objet de convoitise, elle aussi enfermée dans une solitude amère. Chacun porte en lui une forme de souffrance, un rêve brisé ou inaccessible. Et tous sont broyés par un monde qui n’offre aucune place à la vulnérabilité.
Des souris et des hommes n’est pas seulement un roman sur l’amitié ou le rêve américain. C’est un texte sur l’exclusion, sur la violence sourde du quotidien, sur la manière dont la société détruit ce qu’elle ne comprend pas. C’est une œuvre cruelle, mais terriblement vraie. Et je crois que c’est justement pour cela qu’elle m’a tant marquée.
Je referme ce livre le cœur lourd, mais aussi pleine de gratitude. Gratitude d’avoir croisé George et Lenny, même brièvement. Ils m’ont rappelé que la bonté, même dans sa forme la plus fragile, existe – et qu’elle mérite d’être racontée, encore et encore.
Sa lecture m'a marquée, et c'est un des rares livres dont je me souviens assez nettement, plus de trente ans après... j'aimerais le relire, j'ai pour ça acheté la version graphique de Rebecca Dautremer, qui conserve le texte intégral, et qui est superbe.
RépondreSupprimerJ'ai emprunté le roman graphique mais au moment où il a fallu le lire j'y ai renoncé pour me lancer dans le livre. Je voulais me faire ma propre représentation. Demain, je contemplerai les illustrations que cette histoire a suscité chez Rebecca Dautremer.
SupprimerJ'avais été marquée par cette lecture aussi. Cette fin...
RépondreSupprimerOui on ne peut pas l'oublier.
SupprimerJ'ai pris une claque moi aussi récemment avec Steinbeck mais c'était avec une lecture commune des Raisins de la colère. Je me suis donc promis de lire Des souris et des hommes et je vois que cette prochaine lecture a toutes les chances d'être mémorable.
RépondreSupprimerJe note les raisins de la colère !
SupprimerUne de ces lecture que l'on n'oublie pas.
RépondreSupprimerElle est marquante oui !
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