A la ligne, feuillets d'usine : Quand l'usine devient une odyssée personnelle

 


Dans "À la ligne: Feuillets d'usine", Joseph Ponthus nous plonge dans le quotidien impitoyable des usines bretonnes, où le bruit assourdissant, les gestes répétitifs et la souffrance du corps rythment les journées des ouvriers intérimaires comme lui. Mais au-delà de cette réalité rude et parfois cruelle, se cache une beauté paradoxale, une poésie insoupçonnée dans l'effort et la camaraderie.


Joseph, un intellectuel qui abandonne tout pour suivre celle qu'il aime en Bretagne, se retrouve à travailler dans des usines de poissons et des abattoirs, jonglant entre les tâches éreintantes et les souvenirs d'une vie antérieure, empreinte de culture et de littérature. Son besoin irrépressible d'écrire devient alors un exutoire, une façon de graver dans les mots l'expérience brute et souvent déchirante de l'usine.


Comment dire / On ne quitte pas un sanctuaire indemne / On ne quitte jamais vraiment la taule / On ne quitte pas une île sans un soupir / On ne quitte pas l'usine sans regarder le ciel

 

L'écriture de Ponthus, à la fois drôle, coléreuse et fraternelle, transforme l'existence ouvrière en une véritable épopée, où chaque jour est un combat contre la monotonie, la douleur et parfois même la peur de l'avenir. À travers ses mots, on ressent la cadence effrénée de la chaîne de production, le poids des carcasses de bœuf, mais aussi la solidarité et la résilience qui animent ces travailleurs de l'ombre.


Ce livre, loin d'être une simple observation distanciée sur le travail en usine, est le témoignage brut et sincère d'un homme confronté à la dure réalité du monde ouvrier. Ponthus ne cherche pas à embellir ou à dramatiser son expérience, mais à la partager avec une honnêteté désarmante, dévoilant les hauts et les bas, les joies et les peines de ceux qui, chaque jour, retournent à la ligne.


Quand tu rentres / A la débauche / Tu rentres / Tu zones / Tu comates / Tu penses déjà à l'heure qu'il faudra mettre sur le réveil / Peu importe l'heure / Il sera toujours trop tôt

 

L'écriture de Ponthus, proche de la poésie dans sa forme et sa rythmique, captive dès les premières lignes. Les références littéraires jalonnent le récit, offrant une profondeur supplémentaire à cette chronique ouvrière. Chaque mot, chaque retour à la ligne est chargé d'émotion, capturant l'urgence et l'intensité du travail à l'usine.


À travers "À la ligne: Feuillets d'usine", Joseph Ponthus rend un hommage poignant à tous ceux qui, comme lui, travaillent dans l'ombre, loin des regards et parfois même des mots. C'est un récit qui nous pousse à réfléchir sur le sens du travail, sur la valeur de chaque geste, aussi insignifiant soit-il en apparence. Car au-delà des chaînes de production et des carcasses de bœuf, il y a des hommes et des femmes qui, chaque jour, se battent pour leur dignité et leur survie.


En définitive, "À la ligne: Feuillets d'usine" est bien plus qu'un simple livre sur le travail en usine. C'est une ode à la résilience humaine, une exploration profonde de ce qui nous rend vivants, même au cœur de l'adversité. C'est un appel à la reconnaissance et au respect pour tous ceux qui, dans l'ombre, continuent à avancer, à la ligne, avec courage et détermination.



Lu dans le cadre du challenge : Lire sur le monde ouvrier ou le monde du travail chez Ingannmic



  • Auteur : Joseph Ponthus
  • Editeur : Gallimard / Collection : Folio
  • Paru le 13 août 2020 / 288 pages

6 commentaires

  1. Je devais le lire pour une LC prévue en avril, et j'ai abandonné au bout d'une trentaine de pages. Je n'arrivais pas à adhérer à la forme... sans doute une incompatibilité toute personnelle... merci pour ta participation, je suis ravie qu'elle t'ait donné l'occasion d'une lecture aussi fructueuse !

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    1. J'ai eu du mal au début également puis j'ai laché prise et me suis laissée porter par ses mots. Il m'a donné envie de me lancer dans une nouvelle oeuvre : Le journal d'un manoeuvre qui entrerait dans ce challenge

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  2. Une lecture forte qui m'avait marqué.

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  3. J'ai lu aussi ce roman dans le cadre de l'activité "Lire sur le monde ouvrier ou le monde du travail" organisé par Ingannmic. Il m'a beaucoup touchée et pourtant, ce n'est pas un texte vers lequel je serais allée spontanément. La forme surprend au début mais on s'y fait très vite. J'en garderai longtemps le souvenir.

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  4. Bonsoir Christie, quelle tristesse que Joseph Ponthus soit mort si jeune. A la ligne est un très beau livre dans lequel il faut rentrer. On peut peut être rebuté par le style mais il vaut la peine. Bonne fin d'après-midi.

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