Celle que j'aimais / Pavane pour une infante défunte de Park Min-Gyu

J'ai l'habitude de sortir de ma zone de confort avec la littérature coréenne mais cette histoire  est  totalement atypique.

L'histoire s'ouvre sur ce qui semble être des retrouvailles entre deux jeunes gens amoureux. Un arrêt de bus une journée d'hiver, deux êtres se rapprochent, se touchent les mains, s'embrassent. Puis, ils se glissent dans un petit resto à la décoration hétéroclite. La fille pleure beaucoup. On ressent la force des sentiments entre eux mais on ne comprend pas trop le pourquoi de ce désespoir. 

Quelques temps plus tard, notre héros est devenu écrivain et repense à son passé et à cette femme qu'il a gardé au fond de lui. Il se remémore son histoire et on le découvre un peu plus.

Le narrateur grandit donc avec un père beau comme un dieu et qui nourrit le rêve de devenir acteur. Sa mère, amoureuse de cet ambitieux, n'hésite pas à se tuer à la tâche pour que son cher et tendre puisse parfaire son joli corps, soigner sa peau, se rendre au cinéma avec son fils avec qui il passe du temps. Un jour cependant, la vie du père bascule. Un petit rôle et une réplique inoubliable vont le faire entrer dans ce grand monde du cinéma sur l'autel duquel il va sacrifier sa famille car il serait mal vu pour les fans qu'il soit déjà marié. Il prendra petit à petit ses distances avant de disparaitre totalement. La mère déprimée, part rejoindre sa sœur alors que le fils préfère rester en ville et se trouver un travail.

Nous sommes dans les années 80 en Corée et il se retrouve gardien de parking d'un grand magasin, un travail exigeant, une clientèle dure ayant l'habitude d'écraser plus petit que soi, ne supportant aucune remarques, achetant en quantité grandissante lors de soldes multiples organisées par le fameux magasin.

Il fait équipe avec Yohan, un jeune homme surprenant, au parler-franc, à la personnalité atypique. Tous deux deviennent très vite inséparables, partageant souvent des bières après le travail voir même partageant leur nuit dans des discussions sur la vie, la société, l'amour, ... aussi proches que le seraient deux frères.

C'est sur son lieu de travail que notre narrateur la voit la première fois. Elle est isolée des autres qui forment des groupes car la laideur, dans un pays où l'apparence est si importante n'aide pas vraiment à s'intégrer mais lui ne s'en soucie pas. Il va petit à petit l'approcher et se lier d'amitié avec elle. Yohan jouera un rôle de facilitateur dans la naissance de cet amour unique. Cependant, un jour, elle disparait et Yohan, dont le narrateur savait qu'il prenait des médicaments, fait une tentative de suicide.

La suite de l'histoire est impensable pour le lecteur. Je vous laisse la découvrir.

J'ai aimé découvrir cette société coréenne dans les années 80. L'auteur ne l'épargne pas. Il y est question de boom économique et de toutes les dérives que cela entraîne. Il y est question de la superficialité de ce monde, de la bêtise humaine, du pouvoir absolue accordée à la beauté en Corée au détriment de vraies valeurs. 

La raison pour laquelle tous désirent l'amour mais ne parviennent pas à s'aimer, c'est qu'il ne voient de l'autre que la face la moins lumineuse. C'est pour cela qu'ils se méprisent. Parce qu'ils ignorent ce que l'autre est capable de devenir une fois illuminé ; la lumière vient toujours de l'autre.

J'ai aimé par contre cette mise en avant des exclus, des moches à qui il rend la justice à laquelle ils n'ont probablement pas droit dans leur pays. J'ai aimé toutes ces pistes de réflexions sur une société matérialiste et essentiellement basée sur l'apparence. 

Une belle lecture !

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• Editions Decrescenzo
• Parue le 18 mai 2019
• 374 pages
• Challenge coréen /