Penser la science-fiction à l’école : " Rana et le dauphin ", une plongée émotive et critique dès le CE2

 



Lire de la science-fiction en classe primaire ? Oui et  plus que jamais. Cette semaine, nos élèves  ont découvert Rana et le dauphin de Jeanne-A Debats. Un court roman qui les a d’abord charmés, puis intrigués, voire inquiétés. Une lecture précieuse, car elle a ouvert une porte vers une réflexion éthique et scientifique riche, et parfois dérangeante.


Un dauphin qui parle ? Fascination et malaise

Le point de départ du roman est simple mais vertigineux : des scientifiques modifient le cerveau d’un jeune dauphin, Typhon, à l’aide de nanorobots pour lui permettre de parler. Rana, la fille des chercheurs, se lie d’amitié avec le cétacé. Jusque-là les élèves sont captivés : l’eau, la plongée, l’amitié entre l’enfant et l’animal …

Mais très vite un tournant : Typhon apprend. Il parle. Il lit. Il devient autre. Et c’est là que les élèves, sans vraiment s’en rendre compte, glissent vers un malaise diffus. Ils n’ont pas adhéré pleinement à la fin pourtant "heureuse" du roman où Rana libère son ami. Pourquoi ? Parce que Typhon n’est plus seulement un dauphin.


La peur de l’intelligence non humaine

Lors du débat qui a suivi un thème est revenu avec insistance : la peur que Typhon  ou ses semblables  puisse un jour devenir plus fort que les humains voire les dominer. C’est un motif classique de la science-fiction : que se passe-t-il quand ce que nous avons créé (ou modifié) dépasse ce que nous pouvons contrôler ? Frankenstein, les intelligences artificielles, les mutants… Typhon, en quelque sorte les rejoint.

Mais ce qui frappe c’est ce que les élèves n’ont pas remis en cause : la responsabilité des adultes, des chercheurs, du directeur du laboratoire. Pourquoi ce silence ? L’attachement émotionnel à Rana et Typhon est fort, mais l’autorité scientifique semble encore plus fort à leurs yeux. Comme si ce monde-là, celui des "grands", n’était pas à leur portée critique.


Les nanorobots : une science inconnue qui fascine et inquiète

Peu d’élèves connaissaient les nanotechnologies. Les nanorobots ont été perçus comme une forme de magie moderne. Ni bien, ni mal, mais puissants. Ce flou a sans doute nourri leur malaise : comment juger quelque chose que l’on ne comprend pas ? L’enseignant doit alors jouer un rôle clé : non pour donner des réponses, mais pour poser les bonnes questions. Peut-on modifier un être vivant pour le rendre plus "humain" ? Le langage suffit-il à créer une égalité ? Et si Typhon était un enfant comme les autres que ressentirait-on ?


Ce que le roman nous a appris

Cette lecture a été bien plus qu’un récit d’amitié. Elle a offert un cadre pour aborder des thèmes essentiels : Le droit des êtres vivants à rester ce qu'ils sont, les limites de la science, le pouvoir de la parole et la peur de celui qui la conquiert.

Les élèves n’étaient pas "soulagés" par la fin, car Rana et le dauphin ne les caresse pas dans le sens du poil. Il interroge leur rapport au pouvoir, à la différence, à l’inconnu. Et cela, à neuf, dix ou onze ans, c’est peut-être plus précieux que d’être rassuré.


À suivre…

Prochaine étape : explorer d’autres textes de science-fiction pour continuer à apprendre à penser. Avec des mots, avec des débats, avec des silences aussi. Car l’école, ce n’est pas seulement apprendre à lire, mais apprendre à voir  autrement.


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