Moi, ce que j'aime, c'est les monstres ❤

moi ce que j'aime c'est les monstres

Emil Ferris, écrivaine et artiste américaine de 56 ans, était encore inconnue du grand public il y a un an. Elle est, depuis, devenue une figure incontournable du Comics grâce à sa formidable oeuvre graphique : Moi, ce que j'aime, c'est les monstres. Elle a déjà raflé trois Eisner Award, l'équivalent du César ou de l'Oscar, dont celui du meilleur album et de la meilleure artiste. Il s'en est pourtant fallu de peu qu'elle reste inconnue de tous, ayant accusé pas moins de 48 refus avant de trouver enfin un éditeur américain qui accepte de la publier : Fantagraphics Books !!

En France, c'est un petit éditeur, Monsieur Toussaint Louverture qui se lancera dans la traduction de ce monstrueux livre avec l'aide de Jean-Charles Khalifa. Un OVNI littéraire comme on en voit peu !

Qui est donc cette inconnue qui vient exploser le petit monde tranquille de la BD ?

Autoportrait d'Emil Ferris
Emil Ferris est née à Chicago. Elle a commencé à dessiner tôt, dès l'âge de 8 ans. Fille d'artistes, dont les origines sont assez diverses, elle a beaucoup déménagé enfant et s'est montré très tôt passionnée par des univers horrifiques et monstrueux qu'elle découvre à travers des séries B comme des magasines. Elle devient designer de jouets pour enfants.
Soudain , à l'âge de 40 ans, elle se fait piquer par un moustique et contracte le virus du Nil occidental qui la laisse paralysée des deux jambes et de la main droite. L'artiste éprise de son art ne se laisse pas abattre et va jusqu'à se faire scotcher des stylos billes dans la main afin de pouvoir continuer à dessiner. Elle s'inscrit également  au School of the Art Institute de Chicago, dont elle sortira diplômée. Il lui faudra batailler dur pour avoir la reconnaissance tant méritée : 48 refus, la prise en otage de son premier tirage. Puis, la consécration et les acclamations d'un public enchanté et de grands noms tels Art Spiegelman !

Le détournement des codes classique du Comics :

Emil Ferris bouleverse tous les codes. Pas de cases, pas d'uniformité dans les textes. Elle écrit à gauche, à droite, de côté, sur les dessins, ... On a l'impression de consulté son bloc de notes privés avec ses dessins, le tout sur un bloc perforé avec des lignes. Elle nous livre ni plus ni moins qu'un journal intime ou un carnet d'artiste dans lequel elle semble avoir dévoilé des pans de sa vie personnelle. L'hsitoire cependant est là, c'est celle de Karen Reyes, petite fille de 10 ans qui vit avec sa mère et son frère dans un appartement au sous-sol d'un immeuble de Chicago dans les années 60. Karen se ressent comme à moitié loup-garou et est ainsi représentée par l'auteur. Une façon d'aborder les difficultés de l'enfance mais pas seulement. 

Les marginaux et les exclus :

Karen n'est pas acceptée par les élèves de son école qui la traite en paria. La figure du monstre pour Emil Ferris devient alors la métaphore du lien entre tous les exclus dont elle fait partie face à ceux qui créent une société de la "normalité". Pourtant,  sa famille, ses voisins, ses fréquentations en font parti et sont les véritables personnes qu'elle aime. C'est donc une déclaration d'amour faite à tous les oubliés qu'elle lance.
Une déclaration d'amour aussi  à un certains genre littéraire et cinématographique qui tiennent de l'horrifique et du fantastique. Le livre est ainsi truffé de références auxquelles l'auteure voue un véritable culte.

L'art en question :

Les illustrations d'Emil Ferris ont été faites avec des stylos bille et il suffit de feuilleter le livre pour comprendre que l'on est face à de l'Art. Elle réussi même le défi de reproduire des peintures célèbres avec ses stylos et le résultat est bluffant ! C'est pourquoi je n'ai pas envie de parler de simple BD, Comics ou même roman graphique pour qualifier cet album mais d’œuvres d'art à part entière. Elles sont peu que je qualifierais ainsi mais celles-ci en fait partie. Les illustrations fourmillent de détails tels que l'on est obligé de s'attarder, de prendre le temps, de chercher, ... C'est dense, exigent, ... Mais telle cette petite fille qui enquête on veut savoir, comprendre et on se prête au jeu volontairement.


L'autre monstre :

Ce qui fait également la densité de ce livre est l'histoire qui va au delà bien sûr des monstres qu'on aime. Pour Emil Ferris il n'y a pas de nuances de noir ou de blanc mais des tâches noirs qui tombent sur des pages blanches. Un nuage noir qui plane touche et transforme. Ainsi, elle nous conduit à travers l'histoire de Anka, sa voisine assassinée, dans l'Allemagne des années 20. Elle nous dévoile une histoire inédite de la prostitution et de la pédophilie sans parler des sectes. Elles distinguent donc deux catégories de monstres deux catégories de monstres ; les bons et les mauvais.


La famille de Karen :

Au fond, l'histoire parle surtout de sa famille, en brossant le portrait délicieux d'une mère ultra superstitieuse mais attachante et d'un frère tombeur de ces dames mais d'une grande sensibilité. Un complice de la première heure qui ne cesse de surprendre le lecteur.


Au fond, il y est question de la perte d'un être aimé comme de l'homosexualité que l'on peine à assumer, de la souffrance bien réel à vivre dans un monde effaré mais c'est sans compter sur l'art, le cinéma, la littérature, le fantastique et ce fameux monde horrifique !

" Pour les enfants, les adultes semblent toujours libres. Mais, en vérité, il y en a beaucoup qui sont comme des prisonniers. Et si on se demande qui les retient, 9 fois sur 10 d'après ce que je sais,ce sont les fantômes qui les hantent."
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Editions Monsieur Toussaint Louverture
Traduit par Jean-Charles Khalifa
416 pages
Paru le 23 août 2018

15 commentaires

  1. Waouw ! Tu achèves de me convaincre de le lire...

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    1. Ce serait franchement dommage de passer à côté ! ;-)

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  2. Wahou en effet! J'ai vu l'auteur au festival America;.. Bon, le bouquin (plus de 400 pages, dis donc) devrait arriver à la bibli. Merci pour ton billet.

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  3. Au début, il ne me tentait pas du tout, mais j'ai changé d'avis ! Au festival America il y avait une file d'attente impressionnante pour les dédicaces.

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  4. Ton billet donne très envie ! Cet objet d'art me tente beaucoup !

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    1. C'est une chance de le posséder et pouvoir contempler à certains moments des images qu'on a aimé. Je l'ai lu mais je suis loin d'en avoir fait le tour !

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  5. la couverture ne m'aurait pas attirée, mais je pense qu'il ne faut en effet pas s'arrêter là!

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  6. Merci pour ces extraits magnifiques. Quel coup de crayon !

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  7. Je l'ai feuilleté en librairie, il me tente beaucoup, si il reste des sous après Noël, je crois que je me ferais un cadeau !

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  8. Mon fils l'a reçu à Noël, il faut que je lui pique !

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