Extrait du recueil Calligrammes |
A l'occasion du centenaire de la Première Guerre Mondiale, j'ai décidé de partager une poésie avec mes élèves qui ne peut que leur parler : Il y a ..., un poème extrait du recueil Calligrammes de Guillaume Apollinaire.
Un travail préalable a été fait sur la seconde guerre mondiale et plus précisément sur les combattants. Cette poésie écrite sur le front par le poète alors qu'il se trouve dans les tranchées sera le premier écrit témoignage d'un être qui a vécu cette guerre. Une façon plus douce d'aborder l'inabordable.
Guillaume Apollinaire a écrit cette poésie en pensant à Madeleine Pagès, une jeune fille qu'il a rencontré quelques mois plus tôt, dont il est tombé amoureux et qui est repartie avec sa famille en Algérie. Un éclat d'obus reçu à la tête causera un affaiblissement de Guillaume Apollinaire qui mourra, le 9 novembre 1918, de la grippe espagnole.
Dans sa poésie, les peintures de Laurent Corvaisier répondent aux mots du poète et lui donnent des couleurs et une résonance particulière. Les couleurs se perdent quand le poète chante la guerre : "Il y a mille petits sapins brisés par les éclats d'obus autour de moi" et s'animent et s'éclairent quand le poète chante l'amour : "Il y a dans mon porte-cartes plusieurs photos de mon amour".
Il y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée
Il y a dans le ciel six saucisses et la nuit venant on dirait desasticots dont naîtraient les étoiles
Il y a un sous-marin ennemi qui en voulait à mon amour
Il y a mille petits sapins brisés par les éclats d'obus autour de moi
Il y a un fantassin qui passe aveuglé par les gaz asphyxiants
Il y a que nous avons tout haché dans les boyaux de Nietzsche deGœthe et de Cologne
Il y a que je languis après une lettre qui tarde
Il y a dans mon porte-cartes plusieurs photos de mon amour
Il y a les prisonniers qui passent la mine inquiète
Il y a une batterie dont les servants s'agitent autour des pièces
Il y a le vaguemestre qui arrive au trot par le chemin de l'Arbreisolé
Il y a dit-on un espion qui rôde par ici invisible comme l'horizon dont il s'est indignement revêtu et avec quoi il se confond
Il y a dressé comme un lys le buste de mon amour
Il y a un capitaine qui attend avec anxiété les communications de laT.S.F. sur l'Atlantique
Il y a à minuit des soldats qui scient des planches pour les cercueils
Il y a des femmes qui demandent du maïs à grands cris devant unChrist sanglant à Mexico
Il y a le Gulf Stream qui est si tiède et si bienfaisant
Il y a un cimetière plein de croix à 5 kilomètres
Il y a des croix partout de-ci de-là
Il y a des figues de Barbarie sur ces cactus en Algérie
Il y a les longues mains souples de mon amour
Il y a un encrier que j'avais fait dans une fusée de 15 centimètreset qu'on n'a pas laissé partir
Il y a ma selle exposée à la pluie
Il y a les fleuves qui ne remontent pas leur cours
Il y a l'amour qui m'entraîne avec douceur
Il y avait un prisonnier boche qui portait sa mitrailleuse sur son dos
Il y a des hommes dans le monde qui n'ont jamais été à la guerre
Il y a des Hindous qui regardent avec étonnement les campagnesoccidentales
Ils pensent avec mélancolie à ceux dont ils se demandent s'ils lesreverront
Car on a poussé très loin durant cette guerre l'art de l'invisibilité
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Editions : Rue du monde
2013
Apollinaire s'impose en ces circonstances, son poème est très beau, tout comme bien d'autres écrits plus tôt.
RépondreSupprimerOui il l'est ! Cela les a touché ...
SupprimerJ'aime ces billets sur la première guerre mondiale aujourd'hui.
RépondreSupprimerC'est important ...
Supprimerj'ai ajouté ton billet à mon rendez-vous éphémère du 11.11
RépondreSupprimerMerci Sophie !
SupprimerMagnifique !
RépondreSupprimerJ'ai tellement aimé cet album <3
Apollinaire, un de mes poètes préférés et qu'il est beau ce poème et triste la guerre !
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